TELLURIQUE (MILIEU)

TELLURIQUE (MILIEU)
TELLURIQUE (MILIEU)

Le milieu tellurique, ou milieu souterrain, ou milieu hypogé, comprend un certain nombre d’éléments dont le principal est le sol, qui prédomine à la fois par sa grande étendue et par sa continuité; il s’y ajoute des constituants de moindre surface comme les cavernes et les réseaux de fentes en milieu karstique, les eaux souterraines, les terriers de Mammifères, les nids de Termites et de Fourmis. La séparation de ces divers éléments n’est pas absolue; des échanges de faunes, en particulier, peuvent se faire entre eux.

Le sol

Le sol résulte de l’action simultanée de facteurs climatiques et biologiques sur la roche mère [cf. PÉDOLOGIE].

Le sol, milieu physique

Les particularités abiotiques du sol les plus importantes sont sa température, son hydratation, son pH, son chimisme, sa texture et sa structure. En profondeur, les variations de température sont très atténuées par rapport à celles de l’air et surtout par rapport à celles de la surface. À partir d’une certaine profondeur, variable suivant les sols, la température reste à peu près constante. Chaque espèce animale ayant une température préférentielle, il lui sera possible de la trouver par des migrations de faible amplitude.

L’eau contenue dans le sol joue un rôle considérable. L’humidité relative est toujours assez élevée et des valeurs inférieures au point de flétrissement (pF = 4,2) sont rares en Europe occidentale. Une valeur minimale de 50 p. 100 d’humidité relative a été découverte par B. Pierre dans les dunes du Sahara à 50 cm de profondeur, en saison chaude, ce qui correspond à un pF de 6. Les animaux du sol réagissent à la sécheresse soit en s’enfonçant pour atteindre une zone plus humide, soit en limitant leur activité et en prenant une forme de résistance (enkystement des Protozoaires et des Vers). Les Termites peuvent aller chercher l’eau à 12 m de profondeur. Le pH dépend surtout des colloïdes argileux et humiques, de la couverture végétale et des conditions climatiques. Le pH des sols calcaires est voisin de 8; celui des tourbes à Sphaignes et des podzols parfois inférieur à 4. Le pH règle la répartition de nombreux animaux comme les Protozoaires Thécamœbiens et les vers de terre (tabl. 1).

La mesure du rapport carbone-azote (C/N), classique en pédologie, permet de distinguer des sols à activité biologique intense (C/N faible comme dans les mors ) et des sols à humus brut où l’activité biologique est faible (C/N élevé comme dans les moders où le rapport est compris entre 15 et 25). La valeur du rapport C/N reflète le résultat de l’interaction entre les végétaux, les micro-organismes et la faune du sol, et en particulier les vers de terre.

La texture du sol correspond à sa granulométrie . Les vers de terre sont plus nombreux dans les sols limoneux ou argilo-sableux que dans les sables, les graviers ou les argiles. Les sols les plus favorables aux Coléoptères endogés renferment une proportion élevée d’éléments fins (argiles de moins de 2 猪m et limons de 2 à 20 猪m) qui retiennent l’eau nécessaire.

La structure du sol peut être particulaire lorsque les colloïdes constitutifs sont dispersés et leurs grains isolés, ou en grumeaux lorsque les colloïdes sont floculés en agrégats plus ou moins stables. L’aération du sol est fonction de la structure. Les sols à structure en grumeaux sont perméables, bien aérés et riches en faune.

Le sol, milieu vivant

Biomasse

Les organismes vivants du sol représentent une biomasse importante. G. Bachelier donne les proportions suivantes dans le cas d’un sol de prairie:

– matières minérales: 93 p. 100;

– matières organiques totales: 7 p. 100, dont matières organiques: 85 p. 100; racines: 10 p. 100; êtres vivants: 5 p. 100 (dont champignons et algues: 40 p. 100; bactéries et actinomycètes: 40 p. 100; animaux: 20 p. 100).

Les micro-organismes ont déjà été étudiés (cf. SOLS - Microbiologie). Dans l’exemple ci-dessus, les animaux représentent 0,07 p. 100 du poids total du sol. Leur biomasse varie de 10 kg/ha dans les déserts à 30 kg/ha dans la toundra, à 1 000 kg/ha dans la forêt tempérée à feuilles caduques et 2 250 kg/ha dans un sol de prairie (tabl. 2). Dans les sols cultivés elle est en général plus faible mais elle peut atteindre 6 000 kg/ha. Le poids des animaux qui vivent dans le sol est toujours supérieur à celui de ceux qui vivent sur le sol.

Principaux groupes d’animaux du sol. En se limitant ici aux groupes les plus importants, on citera les vers de terre qui sont les Annélides Oligochètes appartenant surtout aux familles des Lombricidés, Glossoscolecidés, Mégascolecidés et Eudrilidés (ces derniers en Afrique). Ils sont plus ou moins pigmentés, de taille variant en moyenne de 50 à 200 mm (avec des formes géantes dépassant le mètre). Les Enchytréidés, de taille souvent inférieure (de 2,5 à 35 mm en moyenne), sont aussi des vers de terre, mais de morphologie différente, fréquemment de couleur blanchâtre ou transparents.

Parmi les Arthropodes, fort nombreux et diversifiés dans le sol, on peut mentionner les Acariens et surtout les Oribates, de petite taille et fortement sclérifiés, à régime alimentaire varié (mangeurs de pollen, de mycélium, de débris végétaux ou de végétaux vivants). Les Insectes les plus communs sont des Aptérygotes de l’ordre des Collemboles, qui se nourrissent de débris végétaux et dont certaines espèces sont carnivores. Les Insectes Ptérygotes, plus rares, sont principalement des Coléoptères et des Diptères. De nombreux Coléoptères vivent dans le sol uniquement à l’état larvaire (larves de Scarabéidés comme les vers blancs; larves « fils de fer » des Élatéridés du genre Agrioes ). D’autres y passent toute leur vie: endogés véritables, de petite taille, ils ont perdu leurs yeux et leurs ailes et sont dépigmentés. Ils présentent un endémisme marqué: il existe dix espèces de Psélaphidés du genre Mayetia et vingt-trois espèces de Staphylinidés du genre Entomoculia dans le département du Var.

Les larves de Diptères se nourrissent de débris végétaux et jouent un rôle majeur dans la décomposition des litières végétales qu’elles réduisent en petits fragments, mélangés intimement au sol. Les larves de Bibionidés, Tipulidés et Scatopsidés sont les plus actives.

Les Termites sont nombreux en espèces et en individus dans les régions tropicales. Maldague a trouvé en moyenne dans la forêt ombrophile congolaise un millier de Termites au mètre carré avec environ 22 tonnes de Termites à l’hectare. Ces insectes sont des destructeurs de cellulose et, grâce à leurs galeries, ils assurent un brassage énergique de la matière organique avec les éléments minéraux. Leur rôle est grand dans la dynamique des sols tropicaux.

Les Vertébrés du sol sont représentés par de rares Reptiles (Amphisbénidés, Typhlopidés). Les Mammifères souterrains appartiennent à trois ordres: les Marsupiaux avec le genre Notoryctes (la taupe marsupiale); les Insectivores avec les Chrysochloridés qui comprennent entre autres la taupe dorée du Cap, et les Talpidés avec la taupe européenne; les Rongeurs avec les Géomyidés d’Amérique du Nord (ce sont les « gophers » ou « gauphres »), les Cténomyidés d’Amérique du Sud, les Spalacides des Balkans, du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, les Bathyergidés d’Afrique du Sud. Bien d’autres Mammifères non strictement endogés sont des fouisseurs émérites, tels l’oryctérope, le lapin...

Les types d’humus en relation avec la faune et la flore. Dans le mull , ou humus doux, de pH compris entre 5,5 et 7, il existe un horizon superficiel A0, presque nul car la décompostion de la litière est rapide. L’horizon sous-jacent A1, de couleur brune, est formé par un mélange intime d’argile et d’humus riche en calcium (fig. 1). Cet humus se forme lorsque les lombrics et les enchytréides sont nombreux; la structure spongieuse et stable est due aux tortillons de terre rejetés par les vers. Le mor ou humus brut apparaît lorsque les vers de terre sont rares: c’est l’humus des forêts de résineux et des landes à bruyères. La décomposition de la litière y est lente et on y trouve un horizon A0 très épais avec une couche de litière L, une couche de fermentation F et une couche humifiée H en dessous de laquelle l’horizon A1 est peu épais et bien tranché. Le pH est voisin de 4. Les différences entre mor et mull sont mises en évidence par les chiffres suivants relatifs aux Invertébrés du sol d’une forêt de Belgique (tabl. 3).

Le moder est l’humus des sols pauvres. Il comprend un horizon A0 de 2 à 3 cm d’épaisseur, formé de feuilles mortes, et un horizon A1 mal délimité, épais de 10 cm environ, où l’humus et l’argile sont simplement mélangés et non sous la forme de complexes stables comme dans le mull. La faune y est surtout formée d’Acariens Oribates (plusieurs centaines de milliers au mètre carré), de Collemboles, de Cloportes, de Fourmis, de larves de Coléoptères et de Diptères. L’activité bactérienne et fongique y est intense.

Rôle de refuge du milieu souterrain. Par son étendue et sa constance, le milieu souterrain a joué le rôle de milieu conservateur pour de nombreuses lignées d’animaux ayant gardé des caractères primitifs et n’ayant jamais quitté le sol. C’est le cas des Collemboles et des Protoures parmi les Insectes Aptérygotes, des Pauropodes et des Symphyles, parmi les Myriapodes. Ces animaux primitifs sont représentés par des espèces ayant une vaste aire de répartition. Le sol comprend en outre des groupes l’ayant colonisé secondairement lorsque les conditions de vie dans le milieu épigé furent devenues défavorables. C’est le cas de nombreux Coléoptères localisés aujourd’hui dans la région méditerranéenne qui, vivant à la fin de l’ère secondaire dans la mousse ou l’humus des forêts où ils trouvaient l’humidité qui leur est nécessaire, se sont enfouis dans le sol lorsque le climat est devenu plus aride. Le sol est ainsi un véritable réservoir de « fossiles vivants ».

Les adaptations à la vie souterraine. Les adaptations permettant de creuser des galeries sont les plus spectaculaires et elles entraînent des phénomènes de convergence remarquables entre des groupes aussi différents que les Insectes et les Mammifères. Les Mammifères souterrains ont le corps trapu, le cou épais et court, le pavillon auditif réduit ou absent, les yeux plus ou moins atrophiés. Les organes qui leur permettent de creuser sont les pattes antérieures chez les Insectivores et certains Rongeurs (Myospalax, Bathyergus ). Chez la taupe, la patte antérieure est déplacée vers l’avant de telle sorte que l’articulation qui unit le membre antérieur au tronc (fig. 2) passe du niveau de la 7e au niveau de la 1re vertèbre cervicale. L’humérus est fortement élargi et épaissi et il donne insertion à des muscles puissants; la main est élargie en forme de pelle et un os sésamoïde falciforme la renforce sur le côté. La musculature est simplifiée par suppression de certains muscles; le seul mouvement efficace est d’avant en arrière; le mouvement inverse est un mouvement à vide destiné à ramener la patte à sa position d’attaque. Une seule patte est utilisée à la fois pour creuser, l’autre prenant appui sur la paroi de la galerie: chaque patte travaille alternativement, le corps basculant ainsi d’un côté à l’autre. Chez les Rongeurs souterrains de l’Ancien Monde comme les Spalax , les Tachyoryctes , le creusement se fait avec les incisives. Celles-ci sont très développées et dirigées vers l’avant, surtout les inférieures qui jouent le rôle essentiel. Les Rongeurs américains (Géomyidés) sont les seuls à utiliser à la fois leurs incisives et leurs pattes antérieures pour fouir.

Chez les Insectes, un grand développement des pattes antérieures et une forme du corps plus ou moins cylindrique se trouvent chez des Orthoptères comme la courtilière (Gryllotalpa ) et le Cylindroncyctes d’Australie et chez le Coléoptère brésilien Hypocephalus armatus de la famille des Cérambycidés. Les Coléoptères des genres Scarites et Dyschirius , dont la tête est très développée, creusent avec leurs mandibules. D’autres Coléoptères endogés ont une taille suffisamment petite (de l’ordre du millimètre) pour pouvoir se glisser dans les interstices du sol sans creuser.

Le sol, écosystème

La plupart des animaux du sol (environ 80 p. 100) sont des saprophages qui se nourrissent de substances organiques mortes, et les prédateurs sont rares. Il n’existe dans le sol que peu d’organismes producteurs capables de synthétiser la matière organique. Les animaux du sol dépendent donc de la litière organique, produite par les plantes vertes, qui leur arrive sous la forme de débris végétaux. Mac Fadyen a fait une tentative pour évaluer les transferts de matière et d’énergie dans une prairie et dans le sol sous-jacent (fig. 3). Les 7/8 des produits de la photosynthèse vont au sol sous la forme de débris végétaux et ils sont dégradés et transformés peu à peu en gaz carbonique, nitrates et ammoniac, phosphates, etc. On estime que cette dégradation est due pour 87 p. 100 aux Bactéries, pour 8 p. 100 aux Protozoaires et pour 5 p. 100 aux autres Invertébrés. Mais la faune a une importance de premier ordre dans le brassage des horizons organiques et minéraux du sol et dans son aération, ainsi que dans l’accélération des processus d’humification. Le brassage des horizons du sol est surtout l’œuvre des vers de terre: on a calculé que, dans une prairie, les 10 cm supérieurs du sol sont formés par les rejets des vers de terre au cours de dix ou vingt années. Quant à la décomposition et à l’humification des débris, il est expérimentalement démontré qu’elles sont plus rapides en présence des animaux. Ceux-ci agissent en fragmentant et en ingérant les débris végétaux, ce qui en augmente beaucoup la surface et facilite l’intervention des Bactéries (fig. 4). La faune constitue donc un élément fondamental dans la genèse et le maintien de la fertilité des sols. Il est possible dans beaucoup de cas d’améliorer les sols en agissant sur leur faune. L’épandage de chaux dans les terres acides favorise la multiplication des vers de terre et accélère l’humification. L’introduction de vers de terre est souvent bénéfique: amélioration des terres conquises sur la mer en Hollande ou des terres irriguées avec des eaux artésiennes légèrement salées en Ouzbékistan.

Le milieu aquatique souterrain

Il convient de distinguer deux types de milieux: les terrains perméables en grand, et les terrains perméables en petit.

Terrains perméables en grand

Les terrains perméables en grand correspondent aux grottes et aux réseaux de fentes en pays karstique. Les hydrogéologues distinguent dans un karst trois zones superposées (fig. 5).

– La zone supérieure, ou zone de percolation temporaire , qui est caractérisée par un réseau complexe de fissures et de galeries et qui est parcourue verticalement par les eaux de pluie qui s’y infiltrent. Cette zone est souvent pourvue de galeries sèches plus ou moins horizontales qui correspondent aux lits d’anciennes rivières: c’est le milieu occupé par les grottes et par la faune cavernicole proprement dite, en particulier par ses représentants qui mènent une vie terrestre, Insectes essentiellement [cf. SPÉLÉOLOGIE].

– La zone moyenne, ou zone amphibie , ou zone de circulation permanente correspond aux rivières souterraines qui s’échappent du karst par les résurgences ou les exurgences. L’eau y circule dans un plan horizontal ou peu incliné. Le niveau d’eau oscille entre la surface piézométrique d’étiage et le niveau des hautes eaux très variables (ligne tiretée de la fig. 5). Des crues soudaines entraînent une grande turbulence de l’eau et amènent de l’extérieur une quantité non négligeable de nourriture sous la forme de débris organiques divers. L’analyse faunistique montre qu’un massif karstique représente un système ouvert pouvant recevoir des espèces épigées par l’intermédiaire des eaux de surface (R. Rouch, 1971). Dans les réseaux souterrains où l’eau circule, des sédiments déposés sur le fond constituent un milieu interstitiel atteignant 1,2 m d’épaisseur. Ce milieu est peuplé préférentiellement par les espèces hypogées; au contraire, les eaux libres courantes du milieu souterrain sont surtout peuplées d’Harpacticides épigés transportés passivement. Ces observations montrent, d’une part, l’existence de connections entre les divers types d’eaux souterraines et, d’autre part, l’opposition nette que l’on rencontre entre le milieu interstitiel et le domaine des eaux libres.

– La zone inférieure, ou zone noyée , est toujours remplie d’eau (appelée eau profonde ) car elle repose sur une couche imperméable. Elle renferme des réserves considérables qui peuvent atteindre plusieurs dizaines de millions de mètres cubes pour un seul karst. L’eau profonde est sous pression puisqu’elle est située sous le niveau piézométrique; son écoulement est toujours lent; sa température est constante et généralement différente de celle des eaux superficielles.

L’étude de la zone noyée s’est développée grâce au filtrage continu des eaux de résurgence, entrepris pour la première fois en France par R. Rouch dans le massif de Sainte-Catherine, en Ariège. Cette technique a depuis été étendue en particulier aux Cent Fonts, ensemble de résurgences qui se jettent dans l’Hérault près de Saint-Guilhem-le-Désert. La faune de la zone noyée comprend surtout des Crustacés. Ce sont des Copépodes de la famille des Cyclopides (genre Speocyclops ) et de la famille des Harpacticides; des Syncarides (genre Bathynella , fig. 6); de nombreux Isopodes (Microcharon ); des Amphipodes et notamment des Ingolfiella d’aspect filiforme et de nombreuses espèces de Niphargus et de Salentinella . On trouve aussi dans la zone noyée des Gastropodes de la famille des Hydrobiidés (genre Hadziella, Lartetia ...). C’est enfin dans ce milieu que vit, surtout à l’état larvaire, le Protée, Amphibien Urodèle cavernicole de Slovénie.

La zone noyée renferme des populations importantes comme l’a prouvé le filtrage continu: on a pu estimer à un million par an le nombre de Copépodes Harpacticides rejetés chaque année par les exurgences du karst du Baget (Ariège), dont la surface est de 16 km2. Une telle « hémorragie » ne peut se maintenir que si les populations sont nombreuses, et de l’ordre de plusieurs millions d’individus.

Ces recherches, qui en sont à leur début, ont encore un aspect fragmentaire. Dans les années à venir il sera possible d’établir le bilan complet d’un karst en évaluant ce qui arrive depuis la surface du sol et ce qui est entraîné par les exurgences; et cet ensemble de données fournira les éléments nécessaires à l’établissement du métabolisme de l’écosystème très particulier que constituent les eaux profondes.

Terrains perméables en petit

Dans les terrains perméables en petit, les espaces libres sont constitués par des interstices de petite taille, d’où le nom de milieu interstitiel; les eaux qui occupent ce milieu sont les eaux phréatiques.

Les trois principaux domaines

Domaine des plages littorales. C’est dans le domaine des plages littorales que s’effectue le passage du milieu marin au milieu continental: il y a un raccordement progressif de la nappe phréatique terrestre à la nappe d’infiltration marine. La zone de mélange est d’autant plus près du rivage que le débit de la nappe phréatique est plus grand; elle s’en rapproche après les pluies et s’en éloigne en période de sécheresse (fig. 7). La température et la salinité y subissent des variations journalières et saisonnières (la variation de température atteint 40 0C au cours du cycle annuel). La faune sera donc euryhaline et eurytherme.

Tous les animaux interstitiels ont une petite taille, de l’ordre de 1 mm, une forme étroite et allongée qui leur permet de circuler entre les grains de sable; le diamètre de leur corps est fonction de la taille des espaces logeables (fig. 8). La forme des grains de sable intervient également. Ainsi tous les sables littoraux peuplés par les Isopodes du genre Microcharon sont des sables siliceux aux grains irréguliers et aux arêtes vives qui ménagent un volume habitable suffisant. Les sables calcaires littoraux trop fins n’ont jamais livré d’Isopodes interstitiels, l’agencement des éléments calcaires tendant à colmater les canalicules. Le tassement du sable, qui réduit les espaces entre les grains, s’oppose à une bonne perméabilité et à une oxygénation suffisante et rend le sable rapidement inhabitable; il en est de même de l’obturation des pores par des limons argileux trop abondants. Chaque espèce de la faune interstitielle est de ce fait étroitement liée à une granulométrie bien déterminée du sable où elle vit. C’est ainsi que dans les sables à Mystacocarides la dimension du grain est caractérisée par un maximum de fréquence autour de 0,2 mm. Traiter en détail de la faune interstitielle reviendrait à passer en revue de très nombreux groupes. Les plus caractéristiques sont des Protozoaires et surtout des Ciliés et des Foraminifères. Marenda nematoides , particulièrement aberrant, ressemble à un ver portant des pseudopodes très fins. Les Cœlentérés sont représentés par des Hydres dont certaines espèces sont ciliées et mobiles (genre Halammohydra ). Les Crustacés sont très riches en espèces interstitielles. Les Mystacocarides, avec le genre Derocheilocaris , constituent le type le plus primitif de Crustacé actuellement connu (fig. 8). La tête, allongée, a une segmentation encore visible et ce sont les appendices qui assurent la locomotion alors que les pattes ne jouent aucun rôle; il existe dix stades larvaires sans métamorphoses véritables. Les Syncarides sont représentés par les Bathynella ; les Isopodes par les Microparasellides et les Microcerberides. Citons dans ce dernier groupe les genres Microcharon et Angeliera , le premier présent aussi bien dans le milieu interstitiel littoral que dans les plages des cours d’eau, le second localisé aux nappes alluviales.

Domaine des nappes alluviales. Le domaine des nappes alluviales est constitué par les nappes aquifères situées à faible profondeur de part et d’autre des cours d’eau. La méthode de prospection utilisée pour son étude consiste à pomper l’eau phréatique par l’intermédiaire de tubes enfoncés dans le sédiment. Ce milieu se caractérise par sa stabilité, ce qui l’oppose au milieu interstitiel littoral. Alors que les espèces interstitielles littorales comme l’Isopode Microcharon marinus ont une saison de reproduction d’avril à septembre qui correspond à l’élévation de température de l’eau, les espèces des nappes alluviales comme Microcharon angelieri se reproduisent toute l’année. Angeliera phreaticola est caractéristique de ce milieu.

Sous-écoulement des cours d’eau. Le sous-écoulement des cours d’eau est étudié également à l’aide d’un système de pompage et de filtration de l’eau. On sait que les rivières de surface sont doublées, en profondeur, par un courant d’eau qui a reçu le nom de sous-écoulement. Le biotope correspondant a été nommé par Orghidan milieu hyporhéique : écoulement plus lent et plus régulier qu’en surface; variations thermiques saisonnières atténuées, sans être supprimées; cela rapproche, sans les confondre, le milieu hyporhéique de la zone noyée des karsts.

La faune hyporhéique renferme des espèces comme le Crustacé Stenasellus virei , qui était considéré jusqu’ici comme un cavernicole strict. On y rencontre aussi d’autres Crustacés (Bathynella , Ingolfiella ) et des Triclades en abondance. Le plus souvent, les mêmes genres sont représentés par des espèces voisines dans le sous-écoulement des rivières et dans le milieu karstique.

Le fonctionnement des écosystèmes interstitiels

On ne sait encore que peu de chose sur le fonctionnement des écosystèmes interstitiels, qui fait actuellement l’objet de nombreuses recherches.

Le potentiel biotique des espèces interstitielles. La fécondité est souvent très faible chez les espèces interstitielles, les œufs étant réduits en nombre et augmentés en dimensions. L’hydre Halammohydra produit de un à quatre œufs; beaucoup de Crustacés ont un seul œuf à la fois. Le développement direct sans formes larvaires est fréquent. Rouch (1968) a donné des estimations du potentiel biotique de Copépodes hypogés comparés à des espèces épigées. La durée de trois générations chez Tisbe gracilis , espèce marine littorale, est de trois mois, et une femelle a pendant ce temps une descendance théorique de 15 millions d’individus; pour l’espèce épigée muscicole Bryocamptus zschokkei , la durée est de treize mois, et la descendance de 150 millions d’individus; pour l’espèce hypogée Antrocamptus catherinae , la durée est de quarante mois et la descendance de 2 700 000 individus. Cette faible fécondité est compensée par une faible pression de sélection, les animaux hypogés étant protégés par leurs conditions de vie.

Le métabolisme des milieux interstitiels. De même que dans le sol, les producteurs (végétaux chlorophylliens) sont absents. La matière organique à l’origine des chaînes alimentaires a donc une origine exogène: débris animaux et végétaux apportés par les crues ou venant tomber sur le fond. Une étude des chaînes alimentaires dans le milieu interstitiel littoral a été faite par Renaud-Debyser et Salvat (1963). La figure 9 représente d’une façon synthétique les conclusions de ces auteurs. Le calcul des biomasses, impossible à réaliser sur des animaux de très petite taille, est remplacé par celui des biovolumes . L’exemple pris à Wimereux, sur les côtes du Pas-de-Calais, montre au centre la matière organique et les débris qui forment 0,49 p. 100 du sédiment (en poids sec), puis les Bactéries, les Unicellulaires et les Diatomées. À la périphérie, chaque groupe est représenté par son biovolume en pour-cent. On notera l’importance des Polychètes et en particulier du genre Nephthys , ainsi que des Amphipodes. La composition de cette biocénose figure dans le tableau 4.

L’origine de la faune aquatique souterraine

Trois origines possibles de la faune aquatique souterraine sont actuellement reconnues. Certaines espèces correspondent à des formes marines qui peuplaient les sables littoraux et qui se sont peu à peu adaptées aux eaux saumâtres puis aux eaux douces. Citons dans ce groupe les Harpacticides du genre Nitocrella voisins du genre marin Nitocra , et des Amphipodes comme les Salentinella . Les espèces de grande taille comme les poissons Brotulidés, qui vivent dans les grottes de Cuba et des Galápagos, ont passé directement de la mer aux eaux souterraines grâce à des fissures de grande taille. Les Niphargus du groupe de N. virei ont sans doute passé directement du milieu karstique marin au milieu karstique continental au Miocène lorsque la vallée du Rhône était occupée par un bras de mer qui atteignait la Suisse. Cette hypothèse est confirmée par les travaux de Dresco-Derouet, qui a montré que N. virei supporte une salinité égale au quart de celle de l’eau de mer, ce qui serait un « souvenir » de son origine marine.

Les milieux karstiques ont été aussi peuplés par des formes venues des eaux épigées. C’est le cas des crevettes Atyides qui ont deux genres cavernicoles issus de genres représentés dans les eaux douces; c’est aussi le cas des planaires du groupe des Triclades.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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